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mercredi 13 novembre 2013

Les oiseaux picards avant-gardistes de Cécile Odartchenko chantent aussi en russe, en américain et en français…


Dans un billet dédié à Cécile Odartchenko intitulé « Marcher comme en rêve », Michel Terestchenko salue son courage et son obstination à servir la littérature. Mais il y confie avant tout le bonheur de s’être laissé emporter par les mots de cette éditrice, et écrit : « J'ai passé une bonne partie de la nuit dernière à lire Chardonneret que je ne pus quitter qu'à l'aube, tant l'œuvre est magnifique, émouvante, et servie par un style d'une très grande maîtrise et beauté, rappelant, à bien des égards, l'univers sensible, fantasque et poétique de Ludmila Oulitskaia ». 

Pierre Garnier, un des rares représentants en France de ce qui s'est nommé dans les années 60 « poésie spatialiste », écrit dans la préface de ce roman : "Cette présence constante de la Russie dans la France des années trente, cinquante, fait que, dans les circonstances les plus tragiques, le rêve continue de couler, d'aller plus loin, d'inonder le paysage de son "obscure clarté" de conte; bien sûr, c'est une espèce de miracle : maintenir le rêve, le songe, la poésie dans la réalité parfois la plus sordide". 


Cet univers enchanteur de douceur, de fraîcheur, de pudeur et de désir en poésie, que l'on croît déjà retrouver dans ses yeux pétillants, Cécile Odartchenko vient de le faire apparaître 8 rue Teulère à Bordeaux, comme par un tour de magie. À cette adresse en effet, elle vient d'ouvrir une galerie - portant le même nom que sa revue, « Première ligne » - où se côtoient peinture et poésie, en laissant une large place aux traductions, comme dans sa vie ou dans ses romans : Perce-nuits, Le Bilboquet, La chair salée, Chardonneret, Hiroshima de fleur ou Gelsomina. 

Cécile Odartchenko est née en France, fille de Georges Odartchenko, poète et peintre, et d’Elisabeth Fleury. En exposant les peintures de son père, inspirées des contes fantastiques de Gogol et du folklore ukrainien, et les peintures impressionnistes d’Irène Mamontoff, première femme de son père, et nièce du célèbre Savva Mamontoff, elle nous invite à voyager dans le temps jusqu'au monde perdu de l’ancien empire russe [Savva Mamontoff, homme d'affaires qui avait fait fortune dans les chemins de fer russes, s'intéressait beaucoup à l'art : il fréquentait volontiers les peintres, achetait leurs œuvres, et sa femme, Elisabeth Sapojnikov, était la fille du marchand d’art Grigori Sapojnikov. Sa propriété d'Abramtsevo était grande ouverte aux artistes russes avant-gardistes, et Irène Mamontoff, encore enfant, se trouva sur les genoux du célèbre Fédor Chaliapine, et participa aux créations théâtrales et "ateliers" du grand Stanislavski]. 

Les cultures russe et française ne lui suffisant sans doute pas, Cécile Odartchenko a passé une grande partie de sa vie aux États-Unis : à New York pendant sept ans, avec Albert Loeb, fils du célèbre galeriste parisien Pierre Loeb - créateur de la Galerie Pierre, 13 rue Bonaparte d'abord puis rue de Seine où elle put rencontrer Miro, Balthus, Zao Wouki, Wifredo Lam, Viera Da Silva, Breton, René de Solier, Michel Butor, Alain Robbe Grillet.... et bien d'autres.... -, puis, après être revenue un temps à Paris, et par amour encore, retourna à New York et à Los Angeles.Elle n'est rentrée définitivement en France qu'en 1991. 

On comprend que l’univers poétique de Cécile Odartchenko, chez elle dans les langues et les cultures russe, française et américaine, soit essentiellement pluriel, métissé : multicolore, multisonore et multiculturel. 

L’arrivée de Cécile Odartchenko apporte un nouveau souffle à l’art et à la poésie dans le paysage bordelais. De nombreuses expositions sont déjà programmées, ou encore des sorties de nouveaux livres de ses Editions des Vanneaux, ainsi que des traductions inédites des proses de son père. À cela s’ajoutent des œuvres uniques : textes et rêves de poètes publiés sur un beau papier dans la revue Première ligne, sans oublier des soirées rencontres prévues avec des poètes-artistes tels Jacques Abeille ou Michel Butor. 

Gabriela Albrecht Ziakova

Catalogue des Éditions des Vanneaux: