Cette rencontre était organisée par notre collègue Sylvette Soulié, professeur agrégé au lycée et en classes préparatoires. Elle s’est déroulée sous l’égide d’Alain Ribet, directeur d’Objectif-Aquitaine, grâce au soutien bienveillant de Mme Tahar, proviseur du lycée Camille-Jullian. Cette rencontre a été un franc succès : un public nombreux et visiblement intéressé était réuni dans la salle de conférences du lycée.
Les intervenants étaient issus de milieux socio-professionnels très différents : un avocat, un chirurgien-cardiologue, deux commerciaux, une directrice d’agence de voyages, une employée d’ONG… Tous ont souligné le rôle occupé par la Russie et autres pays russophones dans leur vie professionnelle. A des époques différentes, chacun d’entre eux a été amené à se rendre dans ces pays et à y travailler.
Tous sont unanimes : la connaissance de la langue constitue un atout irremplaçable, car elle permet de communiquer directement avec les Russes (mais aussi les Ouzbeks, les Azéris, les Moldaves…) sans passer par la médiation d’un interprète. Pour Vanessa Balci, employée dans l’humanitaire, savoir parler russe crée les conditions d’un travail autonome, cela permet une appréciation rapide de la situation, non biaisée par la perception d’un tiers, et cela améliore la réactivité dans des situations de crise (pour l’action humanitaire) ou en cas de difficulté administrative (pour le business, comme le soulignent d’autres participants). En outre, la connaissance du russe prédispose à établir des relations personnelles avec les gens, condition indispensable pour pouvoir réussir quoi que ce soit en Russie.
Thimothée Angliviel de la Beaumelle a travaillé en Russie dès l’obtention de son diplôme (école de commerce). La connaissance du russe lui a offert des opportunités, d’abord chez Céva Santé (société basée à Libourne liée à l'époque à Sanofi), puis pour William Pitters et enfin pour Sodexo, société de services. Un de ses amis a décidé d'investir en Russie, dans une société de produits de luxe (les produits «Agatha»).
Pavel Gubanov travaille au Service commercial export de la maison Sichel, la plus ancienne maison de négoce de vin de Bordeaux. Selon lui, sur les 15 ex-républiques de l’URSS, 10 au moins recèlent un gros potentiel pour l’exportation du vin de Bordeaux. En Russie même, la culture du vin a progressé énormément depuis les années 1990. Les Russes se sont mis à boire et à apprécier le vin français. Pour exporter en Russie, il faut une bonne connaissance des circuits économiques et obtenir une licence d’importation. Le problème, ce sont les marges bénéficiaires des revendeurs qui sont énormes : les vins de Bordeaux sont revendus 4 à 5 fois leur prix dans les magasins, 9 fois environ dans les restaurants. On peut trouver des consommateurs pour chaque catégorie de prix (chacun sait qu’il existe différentes qualités de Bordeaux), mais de façon générale c’est un marché qui vise surtout la classe moyenne. Selon lui, «il faut travailler en Russie, être présent ».
Selon Frédéric Bélot, Président du Club affaires Bordeaux, vice-président de la société juridique franco-russe, avocat auprès de l’Ambassade de France à Moscou, il est beaucoup plus facile de travailler avec les Russes qu’avec les Chinois, et il parle visiblement en connaissance de cause! Les Russes connaissent très bien la culture française (et pas seulement Patricia Kaas et Mylène Farmer). Russes et Français possèdent un socle culturel commun qui leur permet d’échanger au-delà des simples contacts professionnels (ce qui n’est pas du tout le cas pour les Chinois). Cette base culturelle commune crée des relations de confiance, elle est favorable à l’établissement des liens personnels. Le plus important en Russie : avoir des relations sincères avec les gens.
Un témoignage particulier : celui de Jean-Charles Vernhet, chirurgien-cardiologue à la clinique Saint-Augustin de Bordeaux. Il a établi un partenariat avec des confrères de Moscou et chaque mois il passe 5-6 jours en Russie pour former des chirurgiens russes (il en a déjà formé deux) et pour pratiquer avec eux des opérations complexes. Il souligne le très haut niveau scientifique de la médecine russe. C’est le seul parmi les participants à ne pas maîtriser la langue. Avec ses confrères russes, il communique en anglais. En revanche, les infirmières qui l’accompagnent ont appris le russe, car si l’anglais est parfaitement maîtrisé par l’élite médicale, sa connaissance est beaucoup moins répandue au niveau du personnel soignant. Lui-même regrette de ne pas parler la langue car cela entrave parfois la spontanéité des contacts (moins dans la sphère professionnelle stricto sensu que dans la sphère privée).
Anne Sorin est la directrice de l’agence de voyages « Regards d’ailleurs », agence située dans le quartier des Chartrons à Bordeaux et qu’elle a elle-même fondée il y a quatre ans (voir notre message du 27/03). Anne Sorin a étudié le russe comme LV2 et, après des études en école de commerce et un BTS tourisme, a effectué de nombreux séjours en Russie. Son projet est de faire découvrir les pays de l’Est aux Français et elle propose des séjours originaux (circuits à la carte, logement chez l’habitant) en Russie, Ukraine et autres pays « orthodoxes ».
Conseils aux élèves et étudiants : étudier la langue russe ne suffit pas. Il faut avoir un métier, acquérir les compétences les plus hautes possibles dans un domaine particulier : c’est alors que la connaissance du russe se révèlera un atout.