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lundi 20 février 2012

Appel à communications: Journée d'études le 29 mai 2012 à l’Université Stendhal Grenoble 3




ILCEA (Institut des langues et des cultures d’Europe et d’Amérique)/
CESC  (Centre d’Etudes Slaves Contemporaines)

La littérature de jeunesse et ses migrations en Russie et en Europe


Date limite: 25 mars 2012

Cette journée d’étude sera consacrée à un domaine de la littérature russe encore peu étudié en France : la littérature de jeunesse. Envisagée indépendamment de l’âge du lecteur, et en tant que phénomène littéraire, la littérature de jeunesse permettra d’explorer les migrations  entre ses domaines italien, allemand, français et russe au sein d’un espace ethno-culturel européen englobant la Russie, et ce du XIXe siècle à nos jours. En effet, les lectures des enfants se composant auparavant essentiellement de littérature religieuse et de traductions d’œuvres occidentales, on ne peut pas réellement parler de littérature de jeunesse russe avant le XIXe siècle. Comme en littérature générale, c’est alors Pouchkine qui, avec ses contes, fait figure de père de la littérature enfantine russe. Initialement destinés aux adultes, ces contes renvoient à ceux des frères Grimm, et présentent la littérature de jeunesse russe comme résultat d’une migration du conte du registre populaire à la haute littérature. Ce qu’on appelle en Russie l’« art oral populaire » ne cessera de nourrir la littérature de jeunesse par la suite : de Lev Tolstoï à Sergueï Sedov en passant par Remizov et Platonov, de nombreux auteurs ont livré leurs propres contes ou adaptations de contes traditionnels. Le personnage de Baba-Yaga donne un exemple de migration de la culture russe vers les cultures occidentales : on la retrouve dans les comics Hellboy, dans le film d’animation Bartok le magnifique, dans des jeux vidéo, plusieurs albums de jeunesse en France (notamment Baba Yaga de Nadiejda Teffi, traduite par Françoise Morvan et publiée aux éditions Memo avec les illustrations originales de Nathalie Parain). Roule-Galette est devenu un des contes les plus lus en cycle 1 et rappelle le rôle joué par les éditions du Père Castor et ses illustrateurs, pour beaucoup Russes émigrés après 1917, dans la migration de ces personnages en France.
L’époque soviétique n’est pas en reste en matière de migrations. On peut, bien évidemment, se poser la question du devenir de la littérature de jeunesse russe dans l’émigration, et des éléments de réponse seront fournis par les nombreuses revues pour enfants publiées par les écrivains émigrés, notamment en France et à Berlin, telles La baguette verte (Зелёная палочка, Paris, 1920), où furent publiés Sacha Tcherny et Alexeï Tolstoï (L’enfance de Nikita [Детство Никиты]). Ce dernier publia également, avec Nina Petrovskaïa, une traduction « revue et remaniée » du Pinocchio de Collodi. Cette première migration de la culture italienne vers la culture de l’émigration russe se double d’une seconde, de la culture de l’émigration vers la culture soviétique cette fois, lorsque Tolstoï fait paraître sa Petite clé d’or, ou les aventures de Bouratino (Золотой ключик, или приключения Буратино, 1936). La petite marionnette italienne devient un des héros préférés des Soviétiques, comme bien d’autres dont les origines étrangères ne sont parfois qu’à peine soupçonnées : le Neznaïka (Незнайка, ou Saispas) de Nikolaï Nosov remonte à l’écrivain et dessinateur canadien Palmer Cox, le docteur Aïbolit (доктор Айболит, ou docteur Aïebobo) de Tchoukovski renvoie en partie au docteur Doolittle, Cipollino, le personnage de Gianni Rodari, faisait partie du « Club des bonshommes amusants » («Клуб весёлых человечков») au même titre que Bouratino, Neznaïka ou Petrouchka, le Winnie the Pooh russifié de Boris Zahoder (Винни-пух), Carlson qui vit sur le toit d’Astrid Lindgren, dont les aventures sont traduites et portées à l’écran, Nils Hölgerson qu’on retrouve dans le dessin animé Le petit garçon enchanté (Заколдованный мальчик, 1955)… On peut également citer l’adaptation de chefs d’œuvres occidentaux à l’esprit soviétique, tel le Magicien d’Oz repris par Volkov dans Le magicien de la ville d’émeraude (Волшебник изумрудного города, 1939) et sa suite.
Et ces personnages sont loin d’avoir disparu en même temps que l’URSS. De nouvelles traductions de Winnie the Pooh ont été proposées au début des années 90, Bouratino revient dans deux comédies musicales télévisées en 2009. En 2004, le dessin animé Neznaïka et Barrabass (Незнайка и Баррабасс) réunit le petit personnage de Nosov et l’équivalent russe de Mangefeu. Prochainement sortira sur les écrans russes une comédie intitulée Тот ещё Карлосон transportant Carlson dans la Russie contemporaine. Le personnage le plus propice aux migrations en tout genre est probablement Tchebourachka, pourtant pur produit soviétique : inventé par Edvard Ouspenski en 1969, il est repris en 2009-2010 dans une série de films d’animation japonais, et s’allie avec Terminator pour donner naissance à Tchebourator, avec Che Guevara pour former Che Bourachka. Parmi les emprunts à la littérature de jeunesse occidentale contemporaine, on citera l’adaptation de Harry Potter par Dmitri Emets, Tania Grotter, où le personnage principal est féminisé.
Les participants à la journée d’étude sont donc invités à analyser des migrations de cet ordre entre les littératures de jeunesse d’un espace européen incluant la Russie, du XIXe siècle à nos jours. Les propositions de communication (300 mots environ et une brève présentation de votre statut universitaire) sont à envoyer à Laure.Thibonnier@u-grenoble3.fr avant le 25 mars. Une version détaillée de cet appel est consultable en ligne sur le site du CESC : http://w3.u-grenoble3.fr/ilcea/cesc/spip.php?rubrique5. Faisant suite à la table ronde organisée par l’ILCEA/CESC le 16 décembre 2010, cette journée d’études sera suivie d’un second volet organisé à Clermont-Ferrand par le CELIS.