CESC (Centre d’Etudes Slaves Contemporaines)
La littérature de jeunesse et ses migrations en Russie et en Europe
Date limite: 25 mars 2012
Date limite: 25 mars 2012
Cette journée
d’étude sera consacrée à un domaine de la littérature russe encore peu étudié
en France : la littérature de jeunesse. Envisagée indépendamment de l’âge
du lecteur, et en tant que phénomène littéraire, la littérature de jeunesse
permettra d’explorer les migrations
entre ses domaines italien, allemand, français et russe au sein d’un
espace ethno-culturel européen englobant la Russie, et ce du XIXe
siècle à nos jours. En effet, les lectures des enfants se composant auparavant
essentiellement de littérature religieuse et de traductions d’œuvres
occidentales, on ne peut pas réellement parler de littérature de jeunesse russe
avant le XIXe siècle. Comme en littérature générale, c’est alors
Pouchkine qui, avec ses contes, fait figure de père de la littérature enfantine
russe. Initialement destinés aux adultes, ces contes renvoient à ceux des
frères Grimm, et présentent la littérature de jeunesse russe comme résultat
d’une migration du conte du registre populaire à la haute littérature. Ce qu’on
appelle en Russie l’« art oral populaire » ne cessera de nourrir la
littérature de jeunesse par la suite : de Lev Tolstoï à Sergueï Sedov en
passant par Remizov et Platonov, de nombreux auteurs ont livré leurs propres
contes ou adaptations de contes traditionnels. Le personnage de Baba-Yaga donne
un exemple de migration de la culture russe vers les cultures
occidentales : on la retrouve dans les comics Hellboy, dans le film d’animation Bartok le magnifique, dans des jeux vidéo, plusieurs albums de
jeunesse en France (notamment Baba Yaga de
Nadiejda Teffi, traduite par Françoise Morvan et publiée aux éditions Memo avec
les illustrations originales de Nathalie Parain). Roule-Galette est devenu un
des contes les plus lus en cycle 1 et rappelle le rôle joué par les éditions du
Père Castor et ses illustrateurs, pour beaucoup Russes émigrés après 1917, dans
la migration de ces personnages en France.
L’époque
soviétique n’est pas en reste en matière de migrations. On peut, bien
évidemment, se poser la question du devenir de la littérature de jeunesse russe
dans l’émigration, et des éléments de réponse seront fournis par les nombreuses
revues pour enfants publiées par les écrivains émigrés, notamment en France et
à Berlin, telles La baguette verte (Зелёная палочка, Paris, 1920), où furent publiés Sacha
Tcherny et Alexeï Tolstoï (L’enfance de
Nikita [Детство Никиты]). Ce
dernier publia également, avec Nina Petrovskaïa, une traduction « revue et
remaniée » du Pinocchio de
Collodi. Cette première migration de la culture italienne vers la culture de
l’émigration russe se double d’une seconde, de la culture de l’émigration vers
la culture soviétique cette fois, lorsque Tolstoï fait paraître sa Petite clé d’or, ou les aventures de
Bouratino (Золотой ключик, или приключения Буратино,
1936). La petite marionnette italienne devient un des héros préférés des
Soviétiques, comme bien d’autres dont les origines étrangères ne sont parfois
qu’à peine soupçonnées : le Neznaïka (Незнайка,
ou Saispas) de Nikolaï Nosov remonte
à l’écrivain et dessinateur canadien Palmer Cox, le docteur Aïbolit (доктор Айболит, ou docteur Aïebobo) de Tchoukovski renvoie en partie au docteur
Doolittle, Cipollino, le personnage de Gianni Rodari, faisait partie du
« Club des bonshommes amusants » («Клуб весёлых человечков») au même titre que Bouratino, Neznaïka ou Petrouchka, le
Winnie the Pooh russifié de Boris Zahoder (Винни-пух), Carlson qui vit sur le toit d’Astrid Lindgren,
dont les aventures sont traduites et portées à l’écran, Nils Hölgerson qu’on
retrouve dans le dessin animé Le petit
garçon enchanté (Заколдованный мальчик,
1955)… On peut également citer l’adaptation de chefs d’œuvres occidentaux à
l’esprit soviétique, tel le Magicien d’Oz
repris par Volkov dans Le magicien de la
ville d’émeraude (Волшебник изумрудного города, 1939)
et sa suite.
Et ces
personnages sont loin d’avoir disparu en même temps que l’URSS. De nouvelles
traductions de Winnie the Pooh ont été
proposées au début des années 90, Bouratino revient dans deux comédies
musicales télévisées en 2009. En 2004, le dessin animé Neznaïka et Barrabass (Незнайка и Баррабасс) réunit le petit personnage de Nosov
et l’équivalent russe de Mangefeu. Prochainement sortira sur les écrans russes
une comédie intitulée Тот
ещё
Карлосон
transportant Carlson dans la Russie contemporaine. Le personnage le plus
propice aux migrations en tout genre est probablement Tchebourachka, pourtant
pur produit soviétique : inventé par Edvard Ouspenski en 1969, il est
repris en 2009-2010 dans une série de films d’animation japonais, et s’allie
avec Terminator pour donner naissance à Tchebourator, avec Che Guevara pour
former Che Bourachka. Parmi les emprunts à la littérature de jeunesse
occidentale contemporaine, on citera l’adaptation de Harry Potter par Dmitri
Emets, Tania Grotter, où le
personnage principal est féminisé.
Les
participants à la journée d’étude sont donc invités à analyser des migrations
de cet ordre entre les littératures de jeunesse d’un espace européen incluant
la Russie, du XIXe siècle à nos jours. Les propositions de
communication (300 mots environ et une brève présentation de votre statut
universitaire) sont à envoyer à Laure.Thibonnier@u-grenoble3.fr
avant le 25 mars. Une version détaillée de cet appel est consultable en ligne
sur le site du CESC : http://w3.u-grenoble3.fr/ilcea/cesc/spip.php?rubrique5.
Faisant suite à la table ronde organisée par l’ILCEA/CESC le 16 décembre 2010,
cette journée d’études sera suivie d’un second volet organisé à
Clermont-Ferrand par le CELIS.